Exclusif: le supérieur de la FSSPX à S+L

« Quoi que nous fassions, nous sommes toujours des brebis galeuses. » C’est ce qu’écrivait le supérieur de la Fraternité sacerdotale saint Pie X au Pape Benoît XVI, dans une lettre affirmant que la vingtaine d’ordinations sacerdotales qui auront lieu dans quelques jours, et jugées illégitimes par Rome, ne sont pas des actes de désobéissance mais de survie. Galeuses ou pas, les brebis font toutes partie du Peuple de Dieu. C’est dans cet esprit que Télévision Sel + Lumière a reçu dans ses studios Mgr Bernard Fellay, supérieur de la FSSPX et successeur de Mgr Marcel Lefebvre.


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L’intégrale de l’entrevue réalisée par le directeur de S+L, le père Thomas Rosica, csb, ainsi que la transcription complète de l’entretien sont disponibles sur la page de Témoin.

L’homme est sympathique, voire charmant. Ces propos laissent parfois perplexes et poussent à la réflexion. À la fin de l’entretien,on peut même se demander qui était en marge de l’Église. Voici la transcription de quelques extraits de l’entretien à propos de la levée des excommunications, l’affaire Williamson et des éléments de Vatican II qui causent problème à la Fraternité.

Sur le rôle de la FSSPX:

P. Rosica : Quelle formation que vous avez eu… suspendu… et puis après vous avez vécu sous l’excommunication… qu’est ce que ça vous a fait pendant votre formation de prêtre et même pendant votre vie d’évêque?

Mgr Lefebvre : Si vous voulez, je crois que notre première préoccupation c’était de faire notre devoir. Et notre devoir c’était de s’occuper de ces gens qui venaient vers nous en disant : « Aidez-nous, au secours, chez nous ça ne va plus… je sais pas… le prêtre fait n’importe quoi…» C’est surtout comme ça qu’est née notre société. Si on peut dire. C’est des réactions de catholiques qui ont dit « mais moi j’veux rester catholique, j’veux pas entrer dans une autre religion. » Y’a tellement de scandales un peu partout que les gens secoués, choqués, perdus, se sont agglutinés en disant : «Mais occupez-vous de nous.» C’était un des tout grands principes pendant toutes ces années jusqu’à maintenant. Nous n’avons jamais voulu ou prétendu faire de l’apostolat euh… par propre initiative. Nous ne nous sommes jamais attribués une mission. La seule chose que nous nous sommes attribués, on ne se l’est même pas attribuée nous-mêmes. Ce sont les fidèles qui ont appelés au secours. Ça toujours été comme ça. Donc, répondre à l’appel. Et même encore aujourd’hui, lorsque nous ouvrons une nouvelle maison, même quand nous allons dans de nouveaux pays, c’est pas nous qui précédons, c’est pas nous qui faisons le plan en disant bon, cette année on va attaquer tel pays. Non, non, non, ce sont des fidèles dans ce pays qui nous disent: « Au secours, venez nous aider.» Et c’est toujours notre… on peut dire notre action a toujours été conçue ainsi.

Sur la levée des excommunications, Mgr Fellay admet que les ordinations épiscopales étaient des actes graves, mais nécessaires. Il ne s’agissait pas d’actes de rébellion. Le geste a été mal interprété…

P. Rosica : Mgr, au mois de janvier 2009, le pape Benoît XVI a levé l’excommunication à la surprise du monde entier et je dirais même de votre société et de vous-mêmes. Comment avez-vous accueilli cette levée de l’excommunication?

Mgr Fellay : Nous l’avons accueilli avec joie, on peut dire avec satisfaction. Pourquoi? Parce que toujours nous avons dit et maintenu nous sommes catholiques, nous voulons rester catholiques, nous voulons absolument adhérer à tous les principes catholiques. Nous ne voulons absolument pas faire quelque chose, si on peut dire, à part ou séparé encore pire. Et donc constamment nous avons dû nous défendre d’accusations ou essayer de nous défendre contre des accusations de schisme et ainsi de suite. Et il est vrai qu’une consécration épiscopale c’est un acte très grave, y’a aucun doute là-dessus, et donc il est vrai aussi qu’il peut être perçu facilement comme un acte de rébellion…

P. Rosica : De désobéissance…

Mgr Fellay : de schisme et tout ça. Et donc disons le fait de voir que Rome accédait à dire « bon très bien on enlève cette excommunication », c’était, oui certainement, un acte d’une grande satisfaction et aussi une reconnaissance. On sait bien que tout n’est pas fini avec ça, mais il faut bien commencer quelque part. Et je pense que c’est un geste capital, capital pour la suite.

P. Rosica: Parlons un peu de la réaction à cet enlèvement de l’excommunication,  par exemple la réaction virulente de France et d’Allemagne, pourquoi ces deux pays en particulier ont répondu si négativement à tous les événements de ces derniers mois, pourquoi la France?

Mgr Fellay : Je pense que, bon, la controverse avec les évêques français date de très longtemps et je pense qu’il y a quelque chose du passé qui est lié. Il y a plusieurs éléments, probablement plusieurs éléments, mais un des premiers,  c’est que le cousin de Mgr Lefebvre, le cardinal Lefebvre, lui a dit un jour : «Les évêques français ne te pardonneront jamais ce que tu as fait au Concile » parce qu’il s’est distingué des autres évêques français évidemment en prenant sa position et bon, bien c’est le background, c’est l’arrière-fond…

Sur l’affaire Williamson, Mgr Fellay dissocie son groupe de l’évêque négationiste, sans toutefois le condamner au micro :

P. Rosica : Monseigneur, en même temps que l’enlèvement a eu lieu en janvier, l’enlèvement de l’excommunication, il y avait l’affaire Williamson qui a déclenché, vous l’avez lu dans la presse mondiale, une réponse si forte, virulente. Est-ce que la Société saint Pie X est antisémite? Est-ce que vous l’êtes? Qu’est ce que vous croyez (par rapport) aux juifs et puis à l’Holocauste, la Shoah? Pourquoi Williamson a fait ce qu’il avait fait?

Mgr Fellay : Pourquoi il l’a fait? Je crois qu’il a été simplement surpris par une question

P. Rosica : Il parlait en votre nom?

Mgr Fellay : Absolument pas, non non c’est une pure opinion personnelle. La Fraternité n’a absolument rien à voir avec ça. Ce que j’ai l’habitude de dire c’est que pour nous ce problème là n’a jamais été un problème tout simplement, parce que ce n’est pas notre souci de commencer à savoir quel est le nombre exact de ceux qui sont morts ou pas morts pendant la dernière guerre mondiale, le fait qu’il y ait eu une persécution jusqu’à l’extermination des juifs sous Hitler, c’est, c’est une abomination.

Mgr Fellay : C’est une abomination que nous réprouvons de toutes nos forces et ça c’est la position de la Fraternité. On n’a rien à voir avec ni le révisionnisme, ni le négationnisme. Pour moi, je considère ça comme une question qui n’a rien à voir avec ni notre mission, ni même la foi catholique. C’est une question historique, une question qu’il faut laisser aux chercheurs, aux historiens. Évidemment, il y a une incidence morale. Évidemment il y a une incidence, c’est un crime. On n’a pas le droit de tuer un innocent, alors quand il s’agit de tuer tout un peuple, c’est abominable.

P. Rosica : Vous condamnez ce que Williamson avait fait, ce que Williamson avait dit et puis l’entrevue, toutes ses pensées, ça n’a rien à voir avec votre mission.

Mgr Fellay : Ça n’a rien à voir avec nous. Rien.

P. Rosica : C’est très important que nous téléspectateurs écoutent ça de vous-mêmes.

Mgr Fellay : Tout à fait.

P. Rosica : Ça a blessé le dialogue qui doit exister dans l’Église.

Mgr Fellay : Et aussi, nous n’avons pas seulement souffert du fait que disons, on a mis tout le monde dans le même sac, n’est-ce pas? Mgr Williamson est évêque donc toute la Fraternité, tous ses membres, ils sont tous comme ça. Vraiment, ça c’était pas agréable. C’est vraiment mauvais quoi.

Sur Vatican II :

P. Rosica : Pouvez-vous résumer, en quelques points clairs pour nos téléspectateurs, vos questions concernant le Concile Vatican II.

Mgr Fellay : D’accord. Il y a d’abord des questions générales et ensuite il y a des questions plus précises. On peut dire : trois points précis touchent la question de la liberté religieuse, la question de la collégialité et la question de l’œcuménisme. Ça veut pas dire qu’on est contre beaucoup de choses qui sont fait sous ses noms-là. Par exemple, qu’on cherche l’unité parmi tous les chrétiens, comme elle est demandée par notre Seigneur, pour nous c’est une évidence. C’est absolument évident qu’il faut la chercher. Alors mais qu’est-ce qu’on entend par œcuménisme? Si on entend convertir, ramener comme disait l’Église autrefois, n’est-ce pas, que tous ceux qui errent Omnibus errantibus adibutatea ecclesiae revocare digneris comme on disait dans les litanies, donc rappeler à l’unité de l’Église ceux en sont sortis et bien nous sommes pour, absolument pour. C’est assez amusant, récemment l’un de nos prêtres a donné une retraite, à prêcher une retraite à un groupe de luthériens, des pasteurs, onze pasteurs avec leur évêque…

P. Rosica : L’un de vos prêtres?

Mgr Fellay : L’un de nos prêtres dit à cet évêque : « vous savez, je vais prêcher comme on prêche à des catholiques. »  Et l’évêque a dit : « Mais c’est ça qu’on attend. C’est ça qu’on veut entendre. » C’était amusant. Absolument aucun problème de ce côté-là. Par contre si on dit « ils peuvent vivre leur vie » on dit bien non. Notre Seigneur a dit qu’il fallait toute la foi, pas la moitié. C’est aussi ce qu’on dit dans ce fameux symbole de saint Athanase, le symbole Quicumque, il y a l’intégralité de la foi qui est nécessaire et donc ces pauvres qui en sont sortis doivent revenir à cette unité. Mais il faut cette unité. Bien sûr, ça ne se fera pas sans dialogue, sans essayé de leur parler, de leur montrer. Bon, c’est un exemple. La liberté religieuse, là-aussi. Si on dit, il ne faut pas forcer quelqu’un à entrer dans une religion, la religion catholique. Évidemment. Nous sommes tout à fait d’accord de dire, et il faut le dire, l’homme est libre et donc pour la section la plus importante, la plus décisive de sa vie, c’est-à-dire son Salut, il fait que ça soit un acte libre. C’est évident. C’est évident. Notre question sera beaucoup plus au niveau de ce qu’on appelle le Christ-Roi. Notre Seigneur est Dieu. Il a dit « Tout pouvoir m’a été donné au Ciel et sur la Terre. » À Pilate, il dit : « Tu n’aurais pas ce pouvoir si il ne t’avait été donné d’En Haut. Et donc c’est l’affirmation très, très clair que tout pouvoir, même le pouvoir civil vient, est reçu de Dieu. D’ailleurs ceux qui exercent ce pouvoir devront en rendre compte à notre Seigneur au moment de leur jugement. Et donc cette insistance pour dire : « Évidemment, ils sont libres. Évidemment, ils sont dans une société civile. Évidemment, la fin de la société civile c’est le temporel, ce n’est pas le religieux. Distinguons bien les choses. Distinguons-les, mais ne séparons pas. Il y a qu’un seul Dieu qui est le Créateur, qui est aussi le Sauveur, ses pouvoirs qui s’exercent sur la Terre, on en répond au même et un seul Dieu. Si vous voulez c’est sur ce coté là que l’on a des problèmes avec ce que l’on appelle aujourd’hui l’autonomie des valeurs temporels ou cette insistance pour dire que l’état doit être disons laïc, même si on parle d’une laïcité positive. Alors on distinguera après, dans un pays où il y a un pluralisme où donc il y a plusieurs religions, alors on dit c’est évident qu’il y a une tolérance, c’est évident que l’état doit gérer dans la paix, dans le calme cette situation de plusieurs sociétés et l’Église avait un principe qui s’appelle justement la tolérance chrétienne pour expliquer ça. Elle n’avait pas à utiliser ce que l’on appelle la liberté religieuse aujourd’hui qui peut conduire facilement à des excès, à des erreurs qui cause un problème là.

Témoin avec Mgr Bernard Fellay est présentée à l’antenne de Télévision Sel + Lumière lundi 29 juin à 20h, mardi 30 juin à 13h et samedi 4 juillet à 19h30. L’entrevue réalisée en anglais dans le cadre de Witness (et différente de celle en français) est diffusée ce dimanche à 20h30 et 00h30 et jeudi 2 juillet à 20h. Les deux émissions sont disponibles sur le web.

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